Mauzac

Le premier émoi du coeur c'est notre arrivée sur le petit chemin calcaire qui mène jusqu'aux marais. C'est la première émotion, après des heures de route. Le panneau indicateur de la fin du voyage, et du début du week-end.
La maison est logée au creux des herbes folles, c'est la dernière du hameau. Elle se mérite, on ne la trouve pas sans connaître les alentours.
La seconde étape de délectation c'est sortir de la voiture et ouvrir le vieux portail vert, écorché par le soleil et le vent, qui fait front sous le chêne centenaire. Celui qui a l'honneur de faire ça, c'est mon père. Après tout, c'est chez lui, et je crois surtout que c'est sa façon de se libérer de tout le poids de la vie quotidienne. Passer ce portail. Tout laisser hier.
Je le regarde faire et c'est toujours émouvant, parce qu'on dirait un cadeau qu'il reçoit chaque fois avec respect. Il détache le cadenas religieusement, soulève l'encoche plantée dans la terre, pousse et fais quelques pas pour laisser apparaître le spectacle de notre week-end : une maisonette de pierres blanches, à peine plus haute que la ligne d'horizon, au fond d'un grand jardin fleuri.

Les cerisiers seront-ils en fleurs? Nos espoirs se promènent le long des arbres pour compter, regarder, faire l'état des lieux des avancées de la nature.
 Est ce que les figuiers vont donner cette année? On risque encore de ne pas goûter les cerises en tout cas, les oiseaux du marais étant plus présents que nous. C'est comme ça, on partage. C'est la part que se réserve la nature et c'est bien.
Le carré potager nous regarde et réclame de l'eau. Vite. Il va falloir maintenir les plantations au mieux si on veut récolter nos tomates cerises pour les apéros de l'été...

 Anticiper les futures joies des soirées sur la terrasse. Le sarment de vigne qui brûle au loin dans le barbecue, l'air qui se remplit tranquillement d'une fumée opaque prévenant les voisins de notre présence.
On se servira un énième pineau des charentes, les espadrilles de sortie, les bougies à la citronelle aussi. La tablée aux allures de banquet servira notre maigre pêche du jour : quelques crevettes grises et bigorneaux boiteux ramassés dans un sceau vert qui sert aussi à faire les chateaux de sable. Nos victuailles nous rendront fiers, pourtant entourées de produits du marchés en abondance. Le goût est bien meilleur lorsque c'est celui de l'effort. Moumoune aura essayé plusieurs saisons de récolter quelques petites pêcheries dans sa petite nasse qu'elle plonge dans les marais. Chaque fois elle y croit, et coeur vaillant, elle dépose quelques croquettes habituellement destinées à Edgar (le chien), dans le fond du panier, qu'elle plonge bien à plat dans le fond de l'eau. Mais mis à part quelques petites étrilles fragiles, la pêche est bien trop mince pour qu'on se régale. Qu'importe, ce qui compte c'est de rêver, c'est l'espoir que l'on dépose au bout de la corde.
 La petite dernière de la famille ira cueuillir les tomates dans une passoire, on fera un peu le tri dans sa cueuillette, entre les mauvaises herbes et les fleurs. Pas facile quand on a 3ans d'être chargée d'une telle mission. Surtout après une dure journée à traverser les dunes à coups de petits pas pour atteindre la plage, éviter les aiguilles de pins qui piquent entre les sangles des sandales. Les 600mètres qui séparent la route de la plage se transforment en marathon du désert pour cette petite tête qui peine à voir ses genoux sous ce chapeau qui tombe et ces lunettes trop grandes. On les perdra plusieurs fois au bord de l'eau d'ailleurs. Mais encore une fois, qu'importe, l'essentiel, ce sont les souvenirs que l'on fabrique. Minute après minute, rire après mots, telle une dentelle aux motifs qui n'appartiennent qu'à nous.
le retour de plage aura cet air délicieux, celui de la fatigue de n'avoir rien fait, celui de l'air salé qui colle les petites mèches de cheveux. S'effondrer dans la voiture, ouvrir vite les fenêtres, et profiter du chemin vers la maison pour se recentrer. Quelques minutes de retour à soi avant la débandade de la grande soirée familiale, les lits en dortoirs et les 10 brosses à dents dans le petit pot de la salle de bain. C'est un moment privilégié, comme coincé entre deux autres. Et c'est pour moi le plus joli des moments.
On ira le lendemain à St Pierre, on connait le village par coeur mais c'est toujours une joie de flâner dans les ruelles. Rituel annuel pour nos invités de l'été. Il faudra penser au pain, les derniers arrivés sont ceux qui passent à la boulange'.
Portières qui claquent au fond du jardin et smala qui débarque. Les nouveaux arrivants de la semaine. Ils ont fait 100 km de bouchons et sont ravis de déposer leurs birkenstock dans l'herbe. Il va falloir ajouter quatre couverts ce soir. Peut-être qu'on aurait dû prendre une baguette de plus?

...en attendant ces belles journées, je surveille mes plants de concombres. Je fais une caresse au chien qui prend un bain de soleil. Le printemps est à la porte et on attend la suite de pieds ferme...


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