Apnée...

Il suffit parfois d'une apnée. L'arrêt du coeur provoqué par l'incroyable.
Un instant essoufflé, où le corps lévite, comme nu dans un bassin, le dos qui tire vers la surface, et les battements de son sang qui tapent dans la gorge.
Quelques toutes petites secondes pour tout perdre.
Et parfois pour tout gagner.


Il y avait eu ce coup de téléphone, de ceux qu'on aurait préféré ne jamais avoir. Quelques mots. Et déjà trop pour le cerveau abattu qui était glacé par son intuition. Le sentiment soudain que le lien était coupé, la connexion suspendue entre deux êtres, et que la relation était amputée subitement par une décision arbitraire de la vie. Une aspiration de l'univers, un kidnapping de la réalité d'amour de deux personnes. Une effraction dans le vivant.
 A l'air dans ta gorge, à ta première respiration j'ai su.
 Que rien ne serait plus comme avant, que la vie basculait. Et que toutes les putains de certitudes qui nous servent de lit n'avaient alors jamais existées. J'avais envie de raccrocher pour ne plus jamais t'entendre avant même que tu produises un son. Fuir la déferlante...
Je n'étais à la seconde suivante plus personne, on m'avait volé mon identité, tout ce qui composait mon âme s'était éclaté en constellation d'orgueil, paillettes d'ego et mégots écrasés directement sur la poitrine.
Que mon inconscient tienne encore à respirer me semblait relever du miracle. Tout ce qui me rendrait vivante désormais serait ma chair et mes os, mais le reste s'était vu se faire engloutir, comme un paysage ensoleillé bombardé d'obus.
 Ma personne n'était plus qu'une charpie, avec des réflexes archaïques de survie, que j'aurais voulu éteindre juste pour moins souffrir.


J'ai repris mon souffle, un soir trop chaud d'été, dans mon lit, juste après avoir éteint la lumière de la lampe de chevet.
Mes larmes ont attendu avec pudeur le noir total pour se déverser en pente douce.
Tout mon corps était en train de m'expliquer qu'il me libérait, que ces quatre années sans vie venaient de se terminer à cet instant précis. J'avais purgé ma peine.
 On me rendait ma liberté après plusieurs années de captivité, dans une femme qui me portait contre elle mais qui était trop loin pour entendre mes plaintes. Une étoffe de matérialisme et de peurs, de un- pieds- devant- l'autre- sans- trébucher, d'apprentissages, de relations, de recommencements. D'embrassades stériles et illusoires, de mots insensés et de musicalité sourde.
Une camisole de transe, engourdie dans des faux semblants, dans des émotions livides et désordonnées. La fosse déloyale d'une existence glissante, morne sous le soleil et acide l'hiver.

J'ai senti monter en moi une forme d'évidence. L'évidence n'a pas d'image, comme l'intuition. Elle se pose sur nous, sans forme et sans contours, pourtant elle est toute à nous. Elle est venue spécialement pour nous, on le sait.
 On sait la reconnaître quand elle se présente. Elle ouvre son grand manteau et nous invite dessous, forme de générosité extrême, de ce que la vie a de plus beau à offrir. Elle apporte avec elle le retour à soi. Elle nous prouve notre humilité et notre justesse, elle nous grâcie.
La mer s'est fendue en deux cette nuit là, pour te laisser passer. Pour me tendre cette rencontre.
Les retrouvailles avec ce qui était déjà écrit. Sur un cahier égaré sans doute, mais là quand même.
C'était bien sûr maintenant. Mon moment était arrivé.
 Roulette russe de l'inexploré. Il n'y avait plus à en douter. La vie reprenait.

J'ai tout perdu un matin d' août 2015.
J'ai tout retrouvé un soir de juin 2019.


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