Chacun de tes souffles...
A chacun de tes souffles, j’espère un geste qui suivra.
Je regarde, sagement. Et je tente de capter avec tout mon
corps ce que tu es. Comme si j’essayais d’aspirer en moi ta présence. Tu ne me
touches pas, alors du coin de l’œil, j’imagine que tu le fais, la sensation de
ta peau sur la mienne.
La chaleur absente dans ma poitrine, alors que tes mains
sont si proches, et tes bras si grands.
Parfois je me risque, je prends tout mon courage, et je me
niche furtivement dans ton cou, où je respire ta peau. C’est ridicule, c’est
bête. C’est si triste. Tu ne recules pas, mais ta posture reste statique, rien
ne s’engage, rien ne s’élance. Rien ne se donne à moi.
Je t’observe le soir, nu, allongé sur le lit. Si proche,
mais toujours si loin.
Alors je sais.
Je sais que tu ne viendras pas. Que jamais tu ne pousseras
cette porte qui nous sépare, et que tu n’entreras pas dans la pièce. Cette
antichambre qui te sépare de l’amour, ce sas qu’il faudrait traverser pour me
rejoindre avec ton cœur.
Je ne sais pas exactement pourquoi, mais je devine ce refus
secret, je sens cette résistance silencieuse, et sans doute douloureuse aussi
pour toi.
Je regarde ton corps, qui m’est interdit. Je regarde tes
boucles, et ta nuque puissante. Je sens mon ventre éclaté par le désir. Tout
brûle en moi. Je ne suis qu’une pierre incandescente et inerte.
Cloîtrée par le silence, bloquée par ta passivité, hébétée
et tourmentée. J’essaie d’isoler en moi la colère, de la compartimenter dans
des recoins cachés, pour ne pas incendier tout ce que je touche au milieu de la
nuit . J’ai envie de hurler, de te secouer et de te faire mal. Tant ton
indifférence me blesse. Tant je me sens humiliée.
Et alors je me
demande : comment est-il possible d’aimer autant ?
Quelqu’un qui ne vous
donne rien, quelqu’un qui n’est pas là.
Quelqu’un qui referme la porte devant lui, devant moi, pour
toujours nous contraindre à être séparés.
Je me demande aussi pourquoi tu mets tant d’énergie à éviter
le lien. Le liant. Ce liquide amoureux invisible qui fortifie les relations,
qui rend complices, qui aide à projeter, qui uni dans la tendresse. Pourquoi
mettre tant d’énergie à nous garder ensemble, mais sans vouloir nous lier, sans
vouloir t’abandonner, sans vouloir aimer. Quelle femme a emporté ce lien ?
A laquelle d’entre elles tu souhaites le laisser ? Comme une relique
amoureuse, comme un témoin de ton passage, comme pour ne jamais faire le deuil
et ne jamais te pardonner.
J’aurais passé un an à penser que tu allais passer cette
porte. Monter l’escalier, et venir t’allonger contre moi. Dans cet invisible
des sentiments.
Un an, à t’écouter, à
te deviner, à essayer de te comprendre.
M’adapter à ton
langage inconnu, du matériel et du concret, absorber tes humeurs, tes craintes,
tes angoisses. M’accorder sur ton rythme, te chercher du regard, souffrir de
tes maladresses et de tes offensives. Porter avec toi la charge qui te fait
plier, envelopper de douceur le peu que tu me laisses atteindre en toi.
Rencontrer ton monde, m’adapter, encore. Encore.
Par choix.
J’ai fait le choix chaque jour. Celui d’être avec toi et de
vivre cette vie là. Cet amour là, absent et vide. Et me coucher chaque soir
dans un lit froid, avec une frontière entre nous, en espérant chaque matin que
tu viendras te coller contre moi, que tu mettras ton nez dans mes cheveux. Que
le sortilège sera levé.
Qu’enfin il n’y aura plus de on verra bien.
Que tu voyais bien.
Justement.
Il faut être folle pour être dans une abnégation pareille.
Je l’ai fait pourtant. Pas pour moi, mais parce que j’ai cru que tu aimerais
être heureux avec moi. Que ça te demanderait quelques inconforts, mais que tu
étais prêt à ça. J’ai eu l’orgueil de croire que tes sentiments suffiraient.
Que « l’amour » que tu me portes te porterait. Et qu’avec ça on irait
loin.
Que notre rencontre était trop précieuse pour qu’on n’en
prenne pas soin.
Finalement, voilà que mon histoire se rejoue. Que j’apprends
encore avec douleur que mon amour ne guérit pas, ne guérit rien. Et que toute
ma dévotion ne sera pas suffisante pour te rendre la joie et l’envie.
Mais aussi que je suis « trop », ce qui sonne sur
la même tonalité que « pas assez ». Et que pas assez, lorsqu’on
essaie de donner le meilleur de soi, ça fait l’effet d’un boomerang dans la
gueule.
Tout ça pour exprimer que je me rends. Que je baisse les
armes et que je suis prête à essayer d’accepter que tu ne m’aimais pas assez….
Arrêtons-ça s’il te plaît.
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