Matrix

Ma vie c'est Matrix. Notre vie c'est Matrix. Des corps gluants avec des tuyaux dans la nuque.

J'étais à la piscine hier. Déjà grande aventure que d'aller à la piscine ! Total look filet de porc, mal moulée dans un maillot trop petit, seins compressés qui cherchent de l'air, et bonnet so sexy sur la gueule. Enfin le bonnet, faut réussir à le mettre hein !

Le bonnet est une de mes grandes phobies dans la vie. Quand j'étais petite, je crois que je passais des semaines entières sur les bancs, au bord du bassin, à regarder mes petits camarades se baigner. La super sortie piscine de l'école, c'était pas pour moi, et mes cheveux à la marocaine. Tous les bonnets de bains me claquaient sur la tronche, et la maîtresse, à court de talc et de patience, me demandait d'aller remettre mes vêtements dans les vestiaires. Et, ô, grande joie, j'avais le droit de regarder les autres s'amuser....Génial. Bref, les bonnets, c'est pas mes potes.

Donc, j'étais à la piscine hier, celle vous savez, qui dispose d'une baie vitrée pour que tous les pervers de châtelet viennent  mater votre cul blanc, fraîchement sorti de l'hiver. Il y a plusieurs couloirs de nage. Ceux pour les lents et ceux pour les rapides.
 N'ayant rien d'une sirène, bien sûr, je me tape le couloir mamies aux maillots fleuris ! Bien que...à 21h un mardi soir, on est plutôt gâtés en mecs qui font les malins. Pompes sur le bord du bassin, et vas-y que je mets une main dans le dos, et vas-y que je sue,et que je fais des abdos devant les douches des filles. Un en particulier, un vrai Aldo avec la démarche et tout...Déjà que je nageais lentement, mais alors là, je buvais la tasse tellement je gloussais comme une idiote. Ma copine dans le couloir de nage des rapides ricanait aussi, et on ne pouvait s'empêcher de fredonner un bon "fever" vraiment pas discret en passant à côté de Monsieur pompes sur un bras.

Bref,bref,bref, tout ça pour dire qu'on nageait comme des cons,les un après les autres,avec environ un mètre entre les pieds du type devant et mon pince-nez (accessoire indispensable pour être impinable), et qu'on avait l'air complètement fous.
 On est tous là, à décharger notre stress quotidien, nos angoisses, dans quelques mètres cubes de flotte dégueulasse où flotte pansements et glaires en tout genre. On est là, comme des moutons, en file indienne,et on nage, et on nage, et on nage. On arrive au bout, et on recommence,on nage,on nage,on nage. Comme des putains de rongeurs dans des boules en plastique.

Je me suis souvenue de l'époque du lycée, où je devais prendre un car, aaahhhh ce bon car des campagnes ! Un foutu car qui mettait 1H10 à faire trois villages, et à nous déporter à seulement 25km de chez nous. Il fallait l'attendre 20 minutes dans le froid de l'hiver,mal éclairé par le petit budget de la mairie de chez nous, en regardant passer les deux ou trois blaireaux du village qui vont boire leur gnaule, à 6h du mat au café de la place.
Ce car nous emmenait donc au bout du monde, et je regardais toutes les têtes et les nuques devant moi, en rang d'oignons. Toutes ces têtes qui bougeaient au rythme des virages,bien coordonnées, comme dans un bobsleigh.C'était presque musical toutes ces nuques en rythme, comme une ligne industrielle,avec des gestes répétés,encore et encore. Du taylorisme contemporain,sous une autre forme,bien plus vicieux. Je regardais ça et j'avais l'impression d'être dans un mauvais film de science-fiction, ou peut être le plus grand de tous les temps en fait. La vie. Le film dans lequel tu es, sans le savoir. Tu es acteur, avec ton petit rythme de vie, ton petit café,tes gosses à emmener à l'école, le pain à acheter le soir,le taff etc...The truman show c'est toi.

Quand je ressens ça j'ai peur. On est des machines. Des petites fourmis qui s'affolent si quelqu'un fout un coup de pied dans notre fourmilière. On est là, à faire du pognon, à suer pour partir en vacances,à marchander,à espérer monter en grade, avoir un petit pouvoir sur les autres,trouver sa petite place au chaud.
Mais au final, on est juste des nageurs mal fagotés, qui brassent à 1m les un des autres, qui arrivent au bout. Et qui recommencent.

Badant.

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