Le bruit de la mer
Moi je regarde le phare et ça ne m'évoque rien. Enfin si, quelques souvenirs brouillons, des images en vrac de l'enfance. Une histoire de Roi d'Afrique. Des propos qui se mélangent.
L'enfance nous permet de créer des histoires, constituées à partir de bribes de l'actualité, ou de phrases lâchées par erreur par des adultes peu soucieux des petites oreilles.
Moi, lorsque je regarde ce phare, avec sa pointe rouge là, et bien j'y vois une longue queue pour monter tout en haut, des heures à attendre au soleil...et, un Roi d'Afrique, avec une peau de léopard sur les épaules, assis bien confortablement sur son trône, à l'ombre du phare.
Sur l'Ile de Ré. Parfaitement.
Je ne saurai jamais pourquoi cette image existe. Peu importe.
Alors on regarde la mer, et la longue plage qui la borde, en silence, avec le phare au bout.
Tu ne dis rien.
Moi non plus.
Je pense au Roi.
C'est tout.
Je me dis que cette plage on la découvre ensemble, que c'est bien.
Je me sens privilégiée d'être là avec toi.
Puis, tu me montres un repère au loin sur l'horizon, un petit point perché sur la mer.
C'est là que tu posais des filets.
Deux heures de trajet seulement ( et à moi ça me paraît déjà une éternité ) pour aller poser tes filets. Le chalutier, 5 heures du mat', Béber et son équipage d'insulaires. De ceux qui ne vont pas sur le continent, de ceux qui prient pour manger un steak tant le poisson les écœure à force.
Les mains caleuses, je regarde tes doigts, tes gros doigts un peu cassés. Ton bonnet déteint que je trouve moche mais que tu portes toujours, et ton pull bleu "avec une maille très serrée pour pas laisser passer le vent tu vois".
T'es un loup, un loup de mer. Et je l'oublie souvent.
T'as plus 20 ans, et ça aussi...
On s'arrête 15 km plus loin, au bord d'une route déserte. Je somnole dans la voiture au soleil, alors je n'avais pas vraiment envie de descendre tu vois. Mais tu me secoues. Le nez à la fenêtre, c'est l'odeur du varech que tu as senti.
On escalade le grand muret, on grimpe quelques marches ,on se faufile comme on peut...et là...la mer retirée, loin des plages à touristes.
L'odeur, l'odeur.
Celle de l'éternelle enfance et de mes bottes restées dans la vase une matinée d'avril.
Je ramasse des bigorneaux comme une gamine sur les trois pauvres rochers découverts à 17h15. Le coeff de la marrée n'est que de 64, petite marrée, et en plus, on a loupé l'heure.
Mais toi, t'as trouvé un petit coin, une boîte à chaussures dans la voiture, et des bottes en 39 pour mes pieds.
Au coffre les baskets nike léopard. Je patauge dans l'eau salée et j'ai 8 ans.
Tu ramasses avec moi, avec patience.
Le soir, tu m'obliges à prendre une chaise, et à m'installer près de toi sur la terrasse.
"On entend la mer, viens écouter ça !"
-Tssss n'importe quoi, t'es con, elle est loin la mer !
"Chut, t'écoutes mal !"
-Bah j'entends rien je te dis !
.....
Au bout de 10 minutes, la tête à regarder les étoiles et à faire le vide, je l'entends la mer. Elle vient me chercher en roulant sur les galets. C'est à peine perceptible, et tout à coup ça devient rugissant. On croirait du tonnerre. C'est un spectacle presque imaginaire. Il faut deviner le clair de lune sur l'eau du soir. C'est saisissant.
Alors je remet une couche de laine pour rester encore un peu près de toi.
Et j'aimerais rester là toute ma vie.
L'enfance nous permet de créer des histoires, constituées à partir de bribes de l'actualité, ou de phrases lâchées par erreur par des adultes peu soucieux des petites oreilles.
Moi, lorsque je regarde ce phare, avec sa pointe rouge là, et bien j'y vois une longue queue pour monter tout en haut, des heures à attendre au soleil...et, un Roi d'Afrique, avec une peau de léopard sur les épaules, assis bien confortablement sur son trône, à l'ombre du phare.
Sur l'Ile de Ré. Parfaitement.
Je ne saurai jamais pourquoi cette image existe. Peu importe.
Alors on regarde la mer, et la longue plage qui la borde, en silence, avec le phare au bout.
Tu ne dis rien.
Moi non plus.
Je pense au Roi.
C'est tout.
Je me dis que cette plage on la découvre ensemble, que c'est bien.
Je me sens privilégiée d'être là avec toi.
Puis, tu me montres un repère au loin sur l'horizon, un petit point perché sur la mer.
C'est là que tu posais des filets.
Deux heures de trajet seulement ( et à moi ça me paraît déjà une éternité ) pour aller poser tes filets. Le chalutier, 5 heures du mat', Béber et son équipage d'insulaires. De ceux qui ne vont pas sur le continent, de ceux qui prient pour manger un steak tant le poisson les écœure à force.
Les mains caleuses, je regarde tes doigts, tes gros doigts un peu cassés. Ton bonnet déteint que je trouve moche mais que tu portes toujours, et ton pull bleu "avec une maille très serrée pour pas laisser passer le vent tu vois".
T'es un loup, un loup de mer. Et je l'oublie souvent.
T'as plus 20 ans, et ça aussi...
On s'arrête 15 km plus loin, au bord d'une route déserte. Je somnole dans la voiture au soleil, alors je n'avais pas vraiment envie de descendre tu vois. Mais tu me secoues. Le nez à la fenêtre, c'est l'odeur du varech que tu as senti.
On escalade le grand muret, on grimpe quelques marches ,on se faufile comme on peut...et là...la mer retirée, loin des plages à touristes.
L'odeur, l'odeur.
Celle de l'éternelle enfance et de mes bottes restées dans la vase une matinée d'avril.
Je ramasse des bigorneaux comme une gamine sur les trois pauvres rochers découverts à 17h15. Le coeff de la marrée n'est que de 64, petite marrée, et en plus, on a loupé l'heure.
Mais toi, t'as trouvé un petit coin, une boîte à chaussures dans la voiture, et des bottes en 39 pour mes pieds.
Au coffre les baskets nike léopard. Je patauge dans l'eau salée et j'ai 8 ans.
Tu ramasses avec moi, avec patience.
Le soir, tu m'obliges à prendre une chaise, et à m'installer près de toi sur la terrasse.
"On entend la mer, viens écouter ça !"
-Tssss n'importe quoi, t'es con, elle est loin la mer !
"Chut, t'écoutes mal !"
-Bah j'entends rien je te dis !
.....
Au bout de 10 minutes, la tête à regarder les étoiles et à faire le vide, je l'entends la mer. Elle vient me chercher en roulant sur les galets. C'est à peine perceptible, et tout à coup ça devient rugissant. On croirait du tonnerre. C'est un spectacle presque imaginaire. Il faut deviner le clair de lune sur l'eau du soir. C'est saisissant.
Alors je remet une couche de laine pour rester encore un peu près de toi.
Et j'aimerais rester là toute ma vie.
très beau
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