6 heures du matin

Il y a toi, au fond je te connais à peine.
 Et puis il y a moi, et je ne me connais pas beaucoup non plus.
Alors je me laisse embarquer, en me disant que la vie est trop triste un samedi soir dans son lit.
J'embarque sur un vélo dans les pentes de Belleville, avec une lourde semaine en poche et quelques bières qui tiennent chaud au ventre. J'attrape ton dos en guise de guidon, mal assise sur un porte bagage. Tu pédales,et je ne sais pas si on a quelque chose à se dire,mais je laisse faire.

Salle de concert noire, presque vide, 3h du matin approche derrière ces lourdes portes de bois. Derrière elles se trouve un autre monde. Ici, il n'y a que ce présent absurde, cette parenthèse à ma vie, cette parenthèse à la tienne.

Musique forte, rock envahissant. Les sons qui t’attrapent les pieds, te mettent la tête à l'envers et te secouent bien fort. Planant, planant. Encore et encore. On ne parle pas, pas besoin. On voltige chacun de notre côté. Je regarde fixement la scène, avec tous ces musiciens plus nombreux que leur public. C'est les Pink Floyd à Pompeï, Muse aux arènes et Freddy Mercury dans ma salle de bain. C'est bon, c'est grand,ça prend.
Je les fixe, toi tu es juste là, à mes côtés et c'est suffisant. J'ai 10 ans de vie entre les mains, devant les yeux et dans les oreilles. Ces dix années où l'on s'est croisés tant de fois dans différentes villes sans jamais passer plus de quelques minutes ensemble, sans jamais s'écouter.

On est là, et c'est fou, car ça n'aurait pas dû arriver, car nos vies ne sont faites que pour se croiser, pas se chevaucher.
Instant de grâce totale. Juste parce que la vie est étonnante. Rien à voir avec ce que nous sommes finalement. Rien à voir avec les sentiments que je t'ai porté un jour. Non.
Juste le temps qui fait son malin, et se fout bien de nos gueules. Il entrechoque nos corps de pantins, avant de les jeter de nouveaux dans une malle, pour 10 ans de sommeil.

Un viking en peignoir crie dans un micro, des sons étranges et si fluides. C'est presque beau, je me sens comme sous l'eau.C'est une musique de freaks. Il porte un casque de moto, et son gros ventre blanc vient saluer la foule à contre-temps.

La musique est celle que je n'écoute pas. Tu es celui que je ne fréquente pas. On vient d'une ville où je ne vais plus. Nous sommes dans une ville où l'on ne se cotoie pas.

Et pourtant, il est 6H du matin, tous nos amis sont couchés, et soudainement on écoute du Bach dans une salle noire et fermée, parce qu'une femme s'est installée, violocelle en corps-à-corps,devant nos yeux fatigués. Quelques corps s'avachissent autour d'elle. Les quelques personnes présentes s'endorment, se cajolent, et la salle de concert prend des airs de dortoir.
Je vibre, et je ne sais plus bien pourquoi. Si c'est la musique ou si c'est toi.

Le vélo a retrouvé sa route et m'a presque déposée en bas de chez moi. Là où ma vie reprend, d'hiers en demains.

 On se recroisera peut être, vu que rien n'est certain.

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