V
T'étais jeune, t'étais frêle, t'étais blonde et rebelle. Tu m'apprenais l'interdit, à me moquer des lois,des prix.
T'étais jeune et pourtant plus âgée, avec des cicatrices plein les mains.
Et ta bouche, rose de sucre,me faisait toujours marrer.
On avait 12 ans, rien en commun. Juste qu'on s'est croisées. T'es devenue une amie, mais comme celles qu'on choisit pas. T'étais là, puis je pouvais pas te laisser filer.
Tu me faisais peur car t'étais libre, insouciante et effrontée. Parfois t'étais ma fille,que je cherchais à protéger,parfois t'étais ma sœur, ma jumelle adoptée.
T'as débarqué dans notre salon, comme une timide présence,un sourire jusqu'aux oreilles et des tonnes de mots d'absence. L'école tu t'en foutais,tu jouais de tout,de rien,avec nous. Et le soir, fatiguée, on te regardait dormir comme un bébé,sur le fauteuil au coin du feu.
T'étais notre merveille,notre fille-soeur qui avait eu des problèmes,mais qu'on savait bientôt heureuse. On avait de l'amour pour 10, et toi t'avais le coeur vide. Ça résonnait là dedans putain ! ça résonnait.
Les parents te voulaient rien que pour eux, ils trouvaient que dehors ça t'abîmait. Ils voulaient juste que tu restes, que tu reviennes dans le creux. Du petit nid qu'ils t'avaient fait.
Ils te couvaient de loin, comme ils pouvaient, en espérant toujours que tu ferais demi-tour, que t'irais pas chercher trop loin, une autre vie, un autre sort.
Ils avaient pas de cage assez grande pour toi, et puis surtout ils chassent pas.
Un jour j'ai ouvert les yeux, tu venais de m'embrasser sur la joue. Et que tu me touches, bah c'était un cadeau, car je savais tout ce qu'il y avait dedans.
"Maman" nous avait aussi acheté les même baskets, et on faisait les malignes au collège avec nos requins. On avait l'air un peu débiles quand j'y pense, mais nous on nommait ça l'élégance.
Dès que l'amour t'as trouvé, tu lui a fait un enfant. Ta façon de t'en sortir,de sentir ton corps bien vivant. L'amour s'est fait gauler en tôle, et c'est au parloir que tu lui rendait visite.
Tu venais avec Nina sous le bras, du haut de tes 16 ans, et je te regardais toujours dormir, en la berçant. Tu étais fille-soeur-mère, et t'avais pas les épaules pour autant.
Alors on t'accueillait à la maison, en enfant, pour te donner une trêve,juste un moment.
On fumait des joints. J'étais ado, t'étais maman. Je te faisais découvrir Baudelaire, et nos gueules enfumées récitaient des vers. Tu hallucinais de comprendre le fond, derrière les fleurs des jolis mots.
Alors je voyais en toi ce que t'aurais pu être, ou ce que t'aurais pu écrire peut être.
Mais ton truc à toi c'était la vraie vie. La fugue, la douleur, les souvenirs et la survie.
J'avais un cocon de soie et de la place pour deux, mais t'en avais plein les bras et c'était pas chez toi chez eux.
Après il y a eu les hopitaux. Cette fois où j'ai sauté la grille du lycée pour aller te chercher. Les veines qui te piquent sous ton bandage, ta robe de chambre ouverte, avec ton petit cul que toute la salle fumeur voyait. Tu t'en foutais, tu riais, t'étais drôle à en crever. Même après un suicide raté, tu riais, tu te moquais. Alors je gardais le moral, même si je savais que c'était ta planque, les fossettes et les "t'inquiètes!".
Je suis allée quelques fois te décrocher d'un pont, moi je t'aimais toi, Nina. Et il y avait tous ces cons qui pensaient que c'était pas comme ça que se passait l'éducation.
On t'as mis dans des boîtes, des centres,des cages, des maisons avec des faux parents dedans et pleins de petits coeurs vides. On a pris des décisions pour toi, toute ta vie.
Aujourd'hui tu me manques.A l'époque, je t'ai écris une lettre par jour pendant un an. Dans le vide, comme avant.Comme pendant ta grossesse de Nina.
Il paraît que tu me suis, que tu sais ce que je vie.
Il paraît aussi que tu as deux enfants,que je ne connais pas, et que Nina a 8 ans.
Il paraît que tu as un voile noir et des gants, et que tes coordonnées tu ne les donnes pas.
Il paraît que tu es mariée,que si je cherche ton nom, donc,je ne trouverais pas.
Il paraît que je t'aime, et que rien ne changera ça.
Que j'ai toujours le même numéro, que tu peux sonner en bas de chez moi.
Jour, nuit,seule ou non, pour moi on porte le même nom.
T'étais jeune et pourtant plus âgée, avec des cicatrices plein les mains.
Et ta bouche, rose de sucre,me faisait toujours marrer.
On avait 12 ans, rien en commun. Juste qu'on s'est croisées. T'es devenue une amie, mais comme celles qu'on choisit pas. T'étais là, puis je pouvais pas te laisser filer.
Tu me faisais peur car t'étais libre, insouciante et effrontée. Parfois t'étais ma fille,que je cherchais à protéger,parfois t'étais ma sœur, ma jumelle adoptée.
T'as débarqué dans notre salon, comme une timide présence,un sourire jusqu'aux oreilles et des tonnes de mots d'absence. L'école tu t'en foutais,tu jouais de tout,de rien,avec nous. Et le soir, fatiguée, on te regardait dormir comme un bébé,sur le fauteuil au coin du feu.
T'étais notre merveille,notre fille-soeur qui avait eu des problèmes,mais qu'on savait bientôt heureuse. On avait de l'amour pour 10, et toi t'avais le coeur vide. Ça résonnait là dedans putain ! ça résonnait.
Les parents te voulaient rien que pour eux, ils trouvaient que dehors ça t'abîmait. Ils voulaient juste que tu restes, que tu reviennes dans le creux. Du petit nid qu'ils t'avaient fait.
Ils te couvaient de loin, comme ils pouvaient, en espérant toujours que tu ferais demi-tour, que t'irais pas chercher trop loin, une autre vie, un autre sort.
Ils avaient pas de cage assez grande pour toi, et puis surtout ils chassent pas.
Un jour j'ai ouvert les yeux, tu venais de m'embrasser sur la joue. Et que tu me touches, bah c'était un cadeau, car je savais tout ce qu'il y avait dedans.
"Maman" nous avait aussi acheté les même baskets, et on faisait les malignes au collège avec nos requins. On avait l'air un peu débiles quand j'y pense, mais nous on nommait ça l'élégance.
Dès que l'amour t'as trouvé, tu lui a fait un enfant. Ta façon de t'en sortir,de sentir ton corps bien vivant. L'amour s'est fait gauler en tôle, et c'est au parloir que tu lui rendait visite.
Tu venais avec Nina sous le bras, du haut de tes 16 ans, et je te regardais toujours dormir, en la berçant. Tu étais fille-soeur-mère, et t'avais pas les épaules pour autant.
Alors on t'accueillait à la maison, en enfant, pour te donner une trêve,juste un moment.
On fumait des joints. J'étais ado, t'étais maman. Je te faisais découvrir Baudelaire, et nos gueules enfumées récitaient des vers. Tu hallucinais de comprendre le fond, derrière les fleurs des jolis mots.
Alors je voyais en toi ce que t'aurais pu être, ou ce que t'aurais pu écrire peut être.
Mais ton truc à toi c'était la vraie vie. La fugue, la douleur, les souvenirs et la survie.
J'avais un cocon de soie et de la place pour deux, mais t'en avais plein les bras et c'était pas chez toi chez eux.
Après il y a eu les hopitaux. Cette fois où j'ai sauté la grille du lycée pour aller te chercher. Les veines qui te piquent sous ton bandage, ta robe de chambre ouverte, avec ton petit cul que toute la salle fumeur voyait. Tu t'en foutais, tu riais, t'étais drôle à en crever. Même après un suicide raté, tu riais, tu te moquais. Alors je gardais le moral, même si je savais que c'était ta planque, les fossettes et les "t'inquiètes!".
Je suis allée quelques fois te décrocher d'un pont, moi je t'aimais toi, Nina. Et il y avait tous ces cons qui pensaient que c'était pas comme ça que se passait l'éducation.
On t'as mis dans des boîtes, des centres,des cages, des maisons avec des faux parents dedans et pleins de petits coeurs vides. On a pris des décisions pour toi, toute ta vie.
Aujourd'hui tu me manques.A l'époque, je t'ai écris une lettre par jour pendant un an. Dans le vide, comme avant.Comme pendant ta grossesse de Nina.
Il paraît que tu me suis, que tu sais ce que je vie.
Il paraît aussi que tu as deux enfants,que je ne connais pas, et que Nina a 8 ans.
Il paraît que tu as un voile noir et des gants, et que tes coordonnées tu ne les donnes pas.
Il paraît que tu es mariée,que si je cherche ton nom, donc,je ne trouverais pas.
Il paraît que je t'aime, et que rien ne changera ça.
Que j'ai toujours le même numéro, que tu peux sonner en bas de chez moi.
Jour, nuit,seule ou non, pour moi on porte le même nom.
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