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Affichage des articles du octobre, 2012

Les lions

Je pensais qu'on était des lions. Je pensais que t'étais pas comme tous les autres, qui font comme s'ils étaient eux et qui se cachent sous des bonnets ridicules. Je pensais que t'étais fort, et bien assis sur ton trône. Je pensais que t'étais un lion, de ceux qui font des choix et ouvrent leur gueule. De ceux qui laissent le choix et assument d'être seuls. Je pensais que t'étais un lion qui se laisserait pas mettre en cage. Qui me planterait là, un jour, pour sauter de rivage. J'ai bien reçu dans le dos l'empreinte de tes griffes, mais les marques sur ma peau ne sont dues qu'à mes prises de risque. J'ai cru qu'on était des lions et qu'on serait bien plus forts, que la famine de l'amour et le doute et la peur. Que la société autour qui te dicte l'heure. Il est l'heure d'être frustré de ne pas être tout entier, homme et guerrier, aventurier et pirate, célébrité et grand coeur, homme lettré et d'honneur. ...

Qui est-ce ?

Je voudrais qu'on invente un qui est-ce. Tu sais, ce jeu qu'on avait gamines, avec des vignettes qu'on abattait. Tous ces visages qu'on plaquait face au sol. "Est ce qu'il porte une moustache ?" -Non. Clac, clac, clac, clac,clac,clac. "Est ce qu'il est roux ?" -Non Clac. (Il me semble qu'il n'y avait qu'un malheureux roux) Un "qui est-ce ?" nouvelle génération. Un truc comme un Fuck-book. Sur ce "qui est-ce?" il y aurait tout un tas de mecs improbables. D'abord, ceux rencontrés en soirées déguisées : casque de viking, oreilles de chat, collant bleu de super-héro...etc "Est ce qu'il porte un slip SUR un collant fushia?" -Oui..... "Rooohhhh putain, Marc ! J'en étais sûre !!" FASTOCHE Imaginez les meufs, un "qui est-ce?" façon tableau de chasse, un truc rien que pour nous, pour nous foutre un peu de la tronche de tous les cons qu'on s'est envoy...

Les lèvres d'Emmanuelle

Un grand appartement presque vide nous couve. Parquet en chêne, murs blancs, fenêtres qui semblent s'étirer jusqu'au ciel. Thé qui fume sur l'unique meuble de la pièce, une table. Elle allume une cigarette, toujours du bout des lèvres. Avec cette façon si spéciale, bien à elle. L'espace autour n'a pas de poids,pas de sens quand je suis avec elle. Emmanuelle. Emmanuelle est différente. Différentes de toutes celles. Toutes celles qui jouent à être une autre, toute celles qui jouent à être celles. Elle, dans un jean, avec des baskets, et une chemise d'homme,c'est une icône. Une pub Guerlain à elle seule. Sans artifices, elle déambule, se pose et puis te raconte. En face de moi, elle me regarde, et moi je ne vois qu'elle. Tous ne voient qu'elle en fait. Lèvres ourlées, charnues,lipues,juste ce qu'il faut, yeux noisette,cheveux en cascade, grain de beauté sur le bras,juste là. Teint caramel. C'est un ensemble. Un ensemble fou qui te pr...

La porte

Je te dirais bien que ça me fait du mal. Que tu me blesses à chaque fois que tu titubes. Je te dirais bien que j'ai mal de parler à un mur. Je te dirais bien que le vin te rend sourde, et moi morte. Qu'il te tue et me laisse dans le silence. Je te dirais bien, encore et encore, que je suis déçue et à vif. Je te dirais bien encore que j'ai peur que tu meurres. Que tout ça va trop loin. Que je me sens seule, et tellement en détresse. Aujourd'hui, plus rien de tout cela n'existe. Tu es juste une femme face à une autre, et qui ferme la porte devant elle. J'ai tenté de mettre le pied entre la porte et moi pour toujours voir ton visage. Mais ça aussi c'est terminé. Ferme la porte si tu le souhaites, puisque tu le souhaites si fort. Mais je ne gratterais plus comme un chien. Une femme à une femme. Plus une porte à un chien.

Reliques

J'ai entrevu le sac posé près de mon lit, et j'avais à peine la force d'y jeter mon regard, comme si j'allais tomber dedans, dans un puits sans fond et ne plus jamais remonter. Il était là, avec sa pub oncle ben's orange à deux balles sur la gueule, ses airs de plastique froissé et ce foutu statisme. Il était là ce con de sac et il ne bougeait pas. Le seul moyen pour qu'il quitte la pièce alors, était bien de lui foutre un coup de pieds dans le bide. Mais finalement, je n'en avais pas envie. Ce n'est pas que je manque de force, ou de courage, non, je n'ai juste plus de colère.Plus rien, vide total, néant silencieux. J'ai baissé les yeux, et plongé mes mains dans son ventre. Dans ce sanctuaire de mes amours perdus, dans ce reliquaire amoureux. Il y avait des morceaux de toi, plein de morceaux, du toi d'avant, de l'époque. Ni du bout des doigts, ni avec affection, j'ai déplacé chaque objet comme on égoutte une salade, avec entrain ...

F

Je ne sais pas par quoi ça passe. D'où ça vient. Pas exactement. C'est peut être le dessin de ton oreille, simple et élégant, juste là, qui vient me chercher et me rappeler. Me rappeler les images d'enfance et ces traits si justes que possèdent les enfants. Il y a quelque chose de l'enfance sur ta peau, dans ta nuque, et au bout de tes mèches. Un monde tout entier qui se déroule sans que personne ne le sache. Tu es un monde tout à toi. Entre tes tissus, tes déguisements, tes capes et tes épées, j'entrevois tout le reste. Le bout du monde et la mer qui le borde. Tu ne sais pas non, comme je lis dans le fond de ton âme. Une lecture bienveillante. Tu es entré pour ne jamais sortir, à l'endroit exact où les cartes postales de ma vie se fabriquent. Dans la chambre noire de mes amours. Ils n'ont même pas besoin d'être réalisés pour durer toujours.

tic-tac

Tic tac tic tac, c'est le bruit de mes talons sur le béton noir. C'est l'air qui me file entre les cuisses et me fait frissonner. Rue Saint Denis, joli quartier. Chantiers, rues à contourner. Endroits déserts et isolés. Tic tac tic tac, tu ne me raccompagnes pas pour gagner 5 minutes. Tic tac tic tac tu mériterais d'être en bas résilles en bas de chez moi, et d'y passer la nuit, juste pour voir. Comme on se sent con, comme on se sent vu, comme on se sent mal et presque à nu.

Jacquotte

Bistrot des halles, faïence art déco. Quelques habitués et quelques jolies tables. Nappes blanches et assiettes à l'ancienne. Ici ça sent le 1900 à plein nez et c'est comme ça qu'on se sent chez soi. Au bout de la salle, près du radiateur, sur les banquettes de cuir rouge, Jacquotte vient boire son champagne, tous les soirs ou presque. Elle est souvent avec la "mama", la mère du patron, qui doit pas avoir loin de 80 balais. Elles picolent du champagne toute la nuit et mangent une soupe aux oignons. On les appelle les mamies. Les mamies des halles. Elles sont comme tous ces chats qui traînent le soir sur le chantier. Elles font partie du quartier, et elles traînent leurs petits chaussons de velour dans les bars du coin. La dernière fois que j'avais croisé Jacquotte, c'était il y a au moins un an, au zinc d'un autre café du secteur. J'étais jeune, j'étais seule, elle était vieille, et pas bien entourée non plus. On a bu du rouge toute la nu...