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Affichage des articles du février, 2019

"Papa est fatigué"

Il y a ce souvenir mal aisant de l’enfance qui est remonté cette semaine. Par les tuyaux déviés de l’histoire des autres, je me retrouve souvent face à la mienne. Les échanges les plus délicats pour moi sont ceux qui traitent de l’alcoolisme. Discussion intime autour d'un thé, confidence noyée dans l'eau bouillante. J'ai souvent envie de prendre la porte ou de sauter par la fenêtre quand on pénètre ce sujet douloureux.  Je m'oblige à faire mine de ne pas être touchée, tout en étant compatissante pour que la personne devant moi se sente accueillie et comprise. Je me dis souvent qu’on doit penser que je n’ai aucune idée de ce que peut être ce traumatisme. Celui d'avoir grandi près d'un parent ivre.  C’est comme une ironie secrète.  Un jeu avec moi même.  On pense toujours que les autres ne peuvent pas comprendre... et pourtant. Moi des parents ivres j'en avais deux. Ils se sont perdus en cascade. D'abord l'un, puis lentement, l'a...

Ces dimanches avec les enfants des autres...

Tu les connais j'imagine ces dimanches avec les enfants des autres. Parfois c'est en famille que ça se passe, parfois avec tes amis, à bien y regarder c'est un peu la même chose. Tu apportes le déssert, ou même, tu passes juste prendre le café. Ils sont tous là, affairés tandis que pour toi c'est ton jour de repos. Tu aimerais bien discuter de choses sensibles mais tu es toujours interrompue par un biberon régurgité ou une nappe tirée sur un coin par Arthur qui a trois ans et qui vient de faire voler le sucrier. Il fait beau, et c'est agréable d'être là, sur la terrasse ou dans le jardin. Tu es avec tes cousines, et ça embaume les souvenirs d'enfance, toutes les farandoles et les comptines qu'on partageait petites.  Mais aujourd'hui tu chantes pour la génération d'après. On allonge la plus petite dans un grand lange sur l'herbe, et avec ma cousine on tient chacune deux bouts, on soulève et ça fait un hamac surprise pour la petite. On la ...

La mécanique des corps...

Il faut que ça aille vite.Qu'il ne parle pas trop. Qu'on ne remarque pas un rire bête, des ongles noircis ou des mots déplacés. Il faut juste que la mécanique entre en scène, avec ses rouages à la con et ses phrases récurrentes. Je te sers un autre verre? Aucune tendresse au bout des doigts, simplement des gestes rapides, sûrs,appuyés. Des mains comme guidées et parfaitement en rythme dans une chorégraphie nauséabonde, celle dans laquelle on trompe la solitude. C'est pas mal, ça a parfois un goût de déja vu, ça te ferait même penser un peu à de vieux amours. On s'embrasse, on se tient, on se plaque. Tout ce qui te reste de ça, c'est une envie d'ouvrir la fenêtre, de virer tes draps et de passer une demi heure sous de la flotte à 45 degrés. Et puis il y a lui. Lui, il ne touche pas. Il regarde, il entend. Il regarde encore.Il agit par mimétisme. Tu fais un pas, il en fait un à son tour, de la même façon,de la même distance.Il ne va pas trop loin, ne te brusqu...

Reconnaissance

Je saisis pour la première fois ce qu’est la reconnaissance. Connaître une seconde fois sa vie. Faire de nouveau connaissance avec ses souvenirs, avec ce que l’on possède. Je suis reconnaissante, je re-contacte les choses qui m’entourent avec conscience. Je reconnais leur valeur et leur présence. J’entends, j’écoute. J’accueille et je regarde. Je reconnais avoir de la chance, je reconnais exister, je respire, je vibre et j’évolue dans un univers magique et inconditionnel. J’ai évolué avec mes connaissances, mes acquis, toutes ces choses que l’on apprend. Toutes ces choses sans valeur si elles ne sont pas vécues avec toute mon attention, mon intention et mon cœur. Je reconnais, c’est revoir mes connaissances avec le fond de mon âme… Merci aux milles lieux qu’ont foulé mes pieds, merci aux milles lieues que j’ai parcouru cette année. Merci à l’immensité d’être soi. Merci au soleil qui chaque jour décide de se lever. 

Honey

Mon corps est lourd des 50 vies qu’il a déjà porté. Il est rincé comme on dit, il a pris des tonnes de flotte sur les flancs, jetés à grands sceaux. Je me réveille douloureuse, je me couche nerveuse, la nuit ne fait pas son effet tellement les images dans ma tête sont réelles et se font des dîners entre elles. Les idées fusent : chemins qui se croisent, doutes, espoirs, on recalcule les dimensions de sa journée, on refait les dialogues de ses rencontres. Parfois on se trouve con, parfois pas. Souvent les invasions nocturnes sont insensées et l’on cherche un brouilleur pour les bloquer à au moins un mètre de nous. Du coup le corps ne s’éteint qu’à moitié, c’est une veille pénible qui bloque notre système. Impossible de lâcher, impossible de s’abandonner.  La surcharge mentale est de passage et il va falloir dormir avec elle sur l’oreiller d’à côté. « Hello honey, c’est l’heure de la prise de tête ».Je l’entends me dire ça, avec sa voix suave d...

Les idées dans l'axe...

Je t'aime et j'ai envie de te le jeter à la gueule. Comme une claque, une bonne grosse gifle pour te déboîter la nuque et te remettre les idées dans l'axe. Tu es trop con pour voir que tu téléphones mais qu'il n'y a rien au bout du fil. Ca entretient le mystère, ça fait palpiter ton petit coeur d'espérer que quelqu'un décroche ce foutu combiné qui se balance dans le vide depuis des années. Tu pourrais détourner le regard et on pourrait se parler face à face, avec tout ce que les regards racontent. Mais tu préfères jouer tout seul dans ton coin, jongler avec une balle seul dans ta tête.  C'est plus excitant d'imaginer que de vivre. C'est plus beau de se lancer que de voler. C'est plus fort d'espérer que de donner. On ne peut pas aimer une personne qui ne se sent pas digne d'amour, qui planque son coeur si bien qu'elle en oublie l'endroit sur la carte. J'en ai embrassé de toute mon âme des perdus. Mais les plus malheur...

Les carrefours de nos vies...

D’abord, c’est une sensation de poussée, une main qui te pousse dans le dos pour te faire avancer plus vite. Tu sens cette énergie qui t’attrape par les pieds et qui cherche à chaque coin de rue, à te parler, comme un souffleur au théâtre, mais plaqué sous une grille d’égoût. Tu as l’impression d’entendre des voix, dans un charabia incompréhensible. Du bruit en continu à l’arrière de ta nuque, des murmures, des paroles sans forme…Alors forcément tu doutes. Tu ne comprends pas, l’information ne passe pas au stade intellect, elle est bloquée dans les sensations seulement.   Tu sens que les choses ne vont plus très bien, que la vie que tu as choisis se traine un peu, et te traîne par la main comme un enfant boudeur. Les journées sont classées, se ressemblent, le ron-ron était jusqu’ici agréable car familier. Doux car quantifiable, serein car normé. Pourtant, une gêne s’installe, avec une impression de trop vu.   Mais de là à écouter ce qu’il se passe en toi c’...