Les carrefours de nos vies...




D’abord, c’est une sensation de poussée, une main qui te pousse dans le dos pour te faire avancer plus vite. Tu sens cette énergie qui t’attrape par les pieds et qui cherche à chaque coin de rue, à te parler, comme un souffleur au théâtre, mais plaqué sous une grille d’égoût. Tu as l’impression d’entendre des voix, dans un charabia incompréhensible. Du bruit en continu à l’arrière de ta nuque, des murmures, des paroles sans forme…Alors forcément tu doutes. Tu ne comprends pas, l’information ne passe pas au stade intellect, elle est bloquée dans les sensations seulement.
 Tu sens que les choses ne vont plus très bien, que la vie que tu as choisis se traine un peu, et te traîne par la main comme un enfant boudeur. Les journées sont classées, se ressemblent, le ron-ron était jusqu’ici agréable car familier. Doux car quantifiable, serein car normé. Pourtant, une gêne s’installe, avec une impression de trop vu.
 Mais de là à écouter ce qu’il se passe en toi c’est différent. Ce serait trop brutal, trop d’un coup, et ton système ne peut pas se l’autoriser. Les humains, on est comme ça, il nous faut du temps pour décanter les choses, c’est la sécurité qui veut ça, pour préserver notre conscience. C’est un videur de boite de nuit à l’entrée de ta conscience qui fait le tri dans tes pensées et ressentis « Toi tu passes.Toi, tu rentres pas » Comment ta conscience pourrait accepter que tout tes choix préalables, ceux qui assurent ton confort et ta sécurité, sont devenus toxiques pour toi et sont à réviser ? Pas facile de s’avouer qu’on a eu tort, ou pire, que c’était bien un moment, et puis qu’on a changé… et qu’aujourd’hui ça ne suffit plus.
Je ne suis pas linéaire, et vous non plus. Ce qui est la juste choses pour nous à un moment, ne l’est plus l’instant d’après. C’est la malheureuse inconstance de la vie, mais aussi des sentiments. Certains y voient une grande forme de poésie, moi j’y vois une grande forme de résilience.
Tu commences donc à réunir tes affaires dans ta tête, et à comprendre que l’homme qui dort dans ton lit depuis plusieurs années n’a rien à voir avec tout ça. Ce changement c’est toi, c’est à l’intérieur, c’est un cri qui exprime ta force de vie. Il va falloir lui dire, lui expliquer comme tu te sens perdue. Plus la toi d’avant et pas encore celle d’après. Un entre deux inconfortable et foireux ou tout semble possible, faire machine arrière peut-être et fermer fort fort les yeux pour revenir dans le passé, essayer de se convaincre que c’est encore pour toi, qu’avec un peu d’entrain tu peux retrouver les saveurs d’antan. Tu sens bientôt que revenir sur les sensations du passé ce n’est plus réalisable, que les étoiles du désir et les charmes de la certitude sont éteints. On a fermé le manège et tu voudrais pourtant te payer un dernier tour, sans musique, sans couleurs, sans lumières, dans un carrosse en stuc. Allez, laissez moi encore un peu, je fais un tour, j’essaie encore, j’insiste au nom de ce que je crois être le bonheur. Je veux me donner le sentiment d’avoir tenté jusqu’au bout.
Tu lâches, tu arrêtes ton caprice, tu descends du manège…
 Je me rappelle petite, m’apercevoir soudainement que je ne savais plus pourquoi j’étais en train de pleurer depuis dix longues minutes. C’était un sursaut, où je réalisais que peut-être j’en faisais trop, que mon cinéma continuait à défiler et que mes émotions s’étaient barrées, ma colère avec. Je chouinais et j’avais oublié pourquoi. Alors je décidais simplement d’arrêter.
Là c’est pareil, tu dois prendre tes responsabilités et descendre de ce foutu bordel qui ne tourne même plus. Arrête !
C’est l’exact moment, ce carrefour de vie, où plus rien ne sera comme avant. Cet instant autant magique qu’effroyable où tu décides enfin d’ouvrir les portes, les champs de ta conscience et de te faire de la place. Une place pour exister librement, dans l’infini de ce que tu es.
Peu importe si par la suite il faudra pleurer, batailler, perdre du matériel, faire son deuil…Aujourd’hui tu t’offres la possibilité de vivre ce qu’il y a de plus grand : toi. Etre soi-même dans sa plus jolie robe de liberté, avec toute la bienveillance que ton cœur peut se donner.
Les carrefours dans la vie ne sont pas là pour nous punir ou nous inconforter, ils sont là pour nous rappeler que l’on peut toujours choisir le meilleur pour soi, que la vie nous présente toujours de multiples occasions d’être bons avec nous même. Et si tu te foires cette fois là, qu’importe, un croisement de vies se présentera de nouveau, et tu pourras déchiffrer toutes ces petites voix sur ton passage, qui ne t’invitaient en fait qu’à être toi.


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