Ces dimanches avec les enfants des autres...

Tu les connais j'imagine ces dimanches avec les enfants des autres.

Parfois c'est en famille que ça se passe, parfois avec tes amis, à bien y regarder c'est un peu la même chose.
Tu apportes le déssert, ou même, tu passes juste prendre le café. Ils sont tous là, affairés tandis que pour toi c'est ton jour de repos. Tu aimerais bien discuter de choses sensibles mais tu es toujours interrompue par un biberon régurgité ou une nappe tirée sur un coin par Arthur qui a trois ans et qui vient de faire voler le sucrier.
Il fait beau, et c'est agréable d'être là, sur la terrasse ou dans le jardin. Tu es avec tes cousines, et ça embaume les souvenirs d'enfance, toutes les farandoles et les comptines qu'on partageait petites.
 Mais aujourd'hui tu chantes pour la génération d'après. On allonge la plus petite dans un grand lange sur l'herbe, et avec ma cousine on tient chacune deux bouts, on soulève et ça fait un hamac surprise pour la petite. On la berce de nos quatre bras, le soleil perce délicatement les fibres du tissu, et on ronronne une chanson africaine. On prie un peu, on se regarde du coin de l'oeil en espérant qu'elle va s'éteindre, et qu'on va pouvoir la déposer au sol discrètement et la remettre dans son lit pour la sieste.
Le café a eu le temps de refroidir trois fois, la part de tarte a été entamée seulement. On y reviendra plus tard si les enfants nous laissent le temps.
On parle un peu, on se dit des banalités, puis on se moque aussi il faut dire. Les petits font toujours l'animation, et on tourne en dérision leurs gestes décousus.
Quand on en peut plus on lance l'âne trotro, et son générique qui nous rend tellement dingues qu'on le chante comme pour exorciser. On se niche même dans le canapé, en brochette de copains, avec l'ipad au centre. C'est devenu l'onglet le plus utilisé, et ça calme les dimanches où il faut être civilisé et partager sa journée avec d'autres adultes. On peut avoir des semblant de conversations, au moins donner un peu le change.
Tu ferais presque partie de la famille. Tu ne sais pas trop si tu fais partie des petits toi aussi, ou si tu fais partie des grands. Tu te places un peu comme tu peux, en tata hybride, assez responsable pour changer les couches et pousser les tricycles, et encore vierge de toute maternité, libre comme l'air à se rouler dans l'herbe et exciter les gamins alors qu'ils doivent se calmer. C'est le privilège de ton statut, tu peux foutre le bordel, c'est pas toi le parent. Alors tu en profites, tu te gaves de fou-rires et de petites mains qui collent, de joues rosées et de mollets potelés. Tu manges des petits pieds, tu agites des biberons, tu refais les lacets, tu comptes les petits cailloux, tu fais couler le sable. Tu enfiles les manteaux, tu inventes les histoires, tu cajoles tout contre toi, tu dis non en faisant les gros yeux...

Tout ce petit monde déserte la maison familiale en un instant.
Il est l'heure. Une horloge invisible.
 Une fourmilière en agitation. Sacs à langer, biberons, doudous, tétines, poussettes et cosy. Il faut aller vite, timing oblige.
 Rentrer à la maison, donner le bain etc...
Toute la smala déboule dans la rue dans un grand fracas de crises de larmes, de coffres qui s'ouvrent et de sièges auto sales de biscuits détrempés et collés dans le fond.

Ils vont te manquer jusqu'à la prochaine fois. Mais ils vont te manquer surtout parce qu'ils ne reviendront pas, pas comme avant, pas comme quand ils étaient libres et présents. Ils sont absorbés par leur condition de parents, et c'est le reflet de la vie, qui nous coule dans certains états jusqu'à la prochaine étape où elle nous laisse reprendre de l'air.
Tu peux pas leur en vouloir, tu te dis même que tu ne ferais sûrement pas aussi bien toi.
Tu leur dit salut et ils t'entendent à peine.

Tu reprends ta voiture avec l'espace de deux minutes le sentiment d'être sacrément seule, isolée de cette tribu qui pourtant était la tienne.
Tu tournes à l'angle de la rue et ton rétroviseur les efface...
Tu reprends tes esprits et réalise que ce soir tu n'auras que ta petite personne à vivre. Et toute la liberté et le calme qui cohabitent avec.
Tu te dis qu'il faut en profiter encore un peu.
Que sans doute ta vie fait de son mieux...


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