Honey


Mon corps est lourd des 50 vies qu’il a déjà porté. Il est rincé comme on dit, il a pris des tonnes de flotte sur les flancs, jetés à grands sceaux.
Je me réveille douloureuse, je me couche nerveuse, la nuit ne fait pas son effet tellement les images dans ma tête sont réelles et se font des dîners entre elles. Les idées fusent : chemins qui se croisent, doutes, espoirs, on recalcule les dimensions de sa journée, on refait les dialogues de ses rencontres. Parfois on se trouve con, parfois pas. Souvent les invasions nocturnes sont insensées et l’on cherche un brouilleur pour les bloquer à au moins un mètre de nous. Du coup le corps ne s’éteint qu’à moitié, c’est une veille pénible qui bloque notre système. Impossible de lâcher, impossible de s’abandonner.

 La surcharge mentale est de passage et il va falloir dormir avec elle sur l’oreiller d’à côté. « Hello honey, c’est l’heure de la prise de tête ».Je l’entends me dire ça, avec sa voix suave de fille sexy, la première qui couche dans mon lit en petite culotte et se permet de me mettre les mains aux fesses, et d’enlacer ma cage thoracique si fort qu’elle va imploser. C’est le mélange d’une excitation cérébrale et d’un épuisement contraint, c’est le mix de la jouissance des idées qui fusent et de la stupeur des inepties qu’elles racontent. Ca fait mal et ça fait du bien. Comme une très belle fille qui vient vous faire des reproches.
 Je suis trop endormie et faiblarde pour prendre des notes, ou au moins me défendre de mes propres idées, et je suis trop éveillée pour qu’elles s’épuisent et la bouclent une fois pour toute. Alors on traverse la nuit collées l’une contre l’autre, en cuillère. Mon corps tout entier semble lui appartenir, j’arrête simplement de lutter, pour exister à deux et pénétrer les longues heures qui me rapprochent de demain.
Demain sera un autre lever, un autre saut du lit. Au réveil, elle aura disparu, sans laisser de mot ni de tasse à moitié vide d’un café froid. J’aurai l’impression d’avoir rêvé, comme un lendemain de cuite brumeux où on hésite à connecter ses souvenirs. A se rappeler quelle peau on a croqué et combien de dignité on y a laissé.
 Le soir suivant elle me rejoint dans mon lit frais pour coller ses pieds glacés contre les miens. Elle se love dans mon dos pour m’écouter respirer. C’est une veilleuse en marche forcée...

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