Fight Club

Tu dois ouvrir un oeil le matin, dans la pénombre, et comme c'est encore frais, tu dois avoir un oreiller, et peux être même ton nez collé contre sa peau. Dans quelques mois, tu n'auras plus de coussin sur lequel reposer ta tête et tu te gèleras les fesses contre le mur humide du fond.La radio se met en route quand il est assez éveillé pour toucher la télécommande, et lui ordonner de vous faire entendre RFM. Rfm c'est bien, c'est des standards, des classiques, des tubes des années 80 comme "sacrifice" d'Elton John, et ça il aime bien. Il connaît, il peut même faire le con dessus en chantant allongé dans le clic-clac qui sert de lit, télécommande en guise de micro. Pour cela il faut qu'il soit dans un bon jour. Si ce n'est pas le cas, il se met la tête sous l'oreiller, pour fuir la lumière et le bruit.
Tu peux tenter une approche, une partie de baise, ça, ça marche quand même le matin.
Une fois que vous aurez terminé, ou que vous vous lèverez simplement (selon l'humeur), il enfilera son sweat gris chiné avec le bout des manches violettes, celui qui est déchiré devant. Il mettra aussi son pantalon gris en toile à motifs. Un pantalon entre les motifs celtes et africains. Un truc moche et vieux, mais sans doute confortable. Tu lui piqueras parfois, il te laissera faire, non sans une petite remarque. Ses affaires, c'est ses affaires.
Il se dirigera vers la fenêtre et tirera les rideaux verts, puis remontera les stores en lamettes de bois. Attention à toi ! Si tu es amenée à le faire, tu as plutôt intérêt à enrouler le fil qui court le long de la fenêtre comme il t'a montré précédemment, sinon, tu auras une remarque, possiblement désagréable. (Quand tu le déshabilles avant de faire l'amour, ne jette pas ses vêtements en boule, il n'aime pas ça. Enfin assure toi que son tee-shirt est jeté à l'endroit).
Premier réflexe après les rideaux (il y a celui de la cuisine aussi, au dessus du bar), allumer la télé, et le PC.La télé, ce sera une chaîne avec des clips. Il en a une nouvelle qu'il aime bien, celle qui présente des trucs un peu "indépendants", comme ça il repère, il rêve, il poste sur facebook, il se renseigne sur le net. C'est sa deuxième vie, celle qu'il ne vie pas mais pour laquelle il te quittera.
Toi tu aimerais déjeuner un petit truc, il est au moins midi. Dans ses placards, rien. Enfin peut être des biscuits "petits déjeuners" ou des krisprolls. Mais rien d'extravagant. Café soluble (il se décidera un jour à acheter une nespresso), et beurre salé.C'est tout ce que tu trouveras. Ah ! et sûrement des bananes, mais ça c'est plutôt en pèriode de travail. Il en met une dans sa sacoche, et ça fait la rue Michel.
Donc tu déjeunes ce que tu peux debout dans la cuisine, pendant que lui bidouille son PC, assis en tailleurs sur le tapis violet du salon. Tu n'existes pas vraiment. C'est pas ta faute, c'est juste comme ça, il lui faut juste une heure ou deux pour s'évader et oublier son appart', sa famille, son boulot, toi...Et ça sans parler, ni même te regarder.Il sera là, posté par terre, comme un enfant, pieds nus.
Quand il aura faim, vous irez chercher un kebab en bas de chez lui. Il n'y a rien dans son frigo, on est dimanche, et il est 13h30. Pas question pour lui de se lever, laver, et d'aller faire un tour au marché. Non, le dimanche on dort, et on bouffe ce qu'on a. Kebab ou pâtes au beurre/gruyère. Ce midi ce sera fête pour toi, ce sera kebab. Il prend salade, tomate, oignons, sauce blanche-harissa, toujours. Mais pas trop de harissa, sinon tu entendras dire tout le repas que ça lui arrache la tête, et ça gâche son plaisir.Si les frites sont dans le kebab et non dans la barquette ça ne le gêne pas. De la bouffe, c'est de la bouffe.
Vous regarderez un film, un film d'action ou un thriller, mais pas un navet. Il télécharge rarement des navets.Il faut dire qu'il passe du temps à lire les avis des internautes, et les pitchs.Vous aurez chacun un fauteuil. C'est pas hyper pratique, et surtout pas chaleureux. Tu bougeras un peu dans tous les sens pour trouver une position confortable. Lui ne bougera pas, mais fera claquer son ongle dans sa bouche. Celui de son pouce droit, entre ses dents "clac....clac....clac". Tu ne diras rien.Il auras mis des chaussettes, les noires, sans forme, car à force, la tomette ça fait froid aux pieds. Tu somnoleras un peu, peut être même que tu iras vers lui pour t'encanailler tellement tu t'ennuies.Il est possible qu'il craque. En général il craque toujours si tu sais t'y prendre.
Il vous restera quelques heures, peut être deux avant la tombée de la nuit. Peut-être irez vous au ciné (quand on aime on ne compte pas), mais je n'y crois pas vraiment.Il est plutôt possible qu'il allume un cohiba. Sa fumée opaque te prendra le nez, les cheveux, les vêtements.Il s'emparera de la carafe qui trône sur la cheminée pour se servir un verre. Le cognac qui accompagne le cigare rendra ton homme amoureux et désireux de ta chair. Mais son haleine te repoussera.Tu apprendras avec le temps que le cigare à certaines vertus.Tu patienteras dans ton fauteuil, sagement, une heure et demie durant, avec un bouquin. Il fumera, fumera, fumera, fumera.....La fenêtre sera à peine entre-ouverte.Le temps passera plus lentement que jamais......et chez lui il n'y a pas de baignoire, tu ne pourras même pas aller prendre un bon bain chaud pour t'occuper.
Il fait noir dehors désormais. C'est l'heure de dîner. Pâtes/beurre/gruyère, on n'y échappe pas deux fois de suite.Vous mangerez chacun dans votre fauteuil, encore.En silence, encore.Avec la télé en fond, encore.Avec un peu de chance, tu dénicheras une clémentine en dessert.(il aime aussi les flambys, les danettes et les compotes, mais quand c'est lui qui fait les courses il oublie parfois d'en acheter. Il trace dans les rayons. Les courses c'est chiant : raviolis, bananes, biscottes, miel, beurre salé, saucisson,bières, spaghettis, roquefort)
Puis, tandis que tu regarderas une rediffusion de zone interdite, lui repassera sa chemine pour le lendemain, en silence.Tête baissée, concentré.Il n'aime pas repasser, mais le fait toujours avec soin.Il ira ensuite se doucher, il utilises du savon ushuaïa à la noix de coco, même si il a la peau fragile. C'était une promotion.Il aura un peu d'eczéma demain, c'est tout. Il se rasera ensuite. Il ne se rase qu'un jour sur deux ou trois, car sinon ça lui abîme la peau, et ça se voit. Il te l'expliquera peut être.Il n'utilise pas de rasoir électrique, ça lui fait mal, et ça ne rase pas de près. Rien ne sert de lui en offrir un.
Ensuite, alors que tu es encore devant la télé,il passera devant toi comme un fantôme, il ira se mettre dans le lit, en silence, avec un livre de société (politique, faits divers, finance...). Tu viendras te nicher contre lui, mais son flegme te refroidira un peu. Tu regarderas le plafond quelques minutes.
La lumière s'éteind, il met la radio en marche, c'est sa berceuse du soir. Le soir c'est rires et chansons, et à l'heure du coucher ce sont les sketches de Coluche.La radio s'éteindra toute seule au bout d'un bon quart d'heure.Il s'enroulera dans la couette. Tu chercheras ses pieds, et il te les donnera un peu, quelques minutes.


Le lendemain il se lèvera et déjeunera debout en costume dans sa cuisine, en silence, avec la plus petite lumière du plafonnier.Tu te sentiras de trop.Ambiance glaciale. Tu ne diras rien.Il boira le lait à la bouteille.Tu t'habilleras dans le noir de la chambre restée endormie.
Il prendra ses clés, tu suivras. Vous descendrez l'énorme escalier de bois qui mène à la cour dans le froid saisissant de l'hiver.Tu voudras qu'il te serre contre lui, qu'il te dise qu'il t'aime, que tu es belle, même mal réveillée. Qu'il lâche un regard, un rire, qu'il y est de l'éclat dans ses yeux, un peu de malice matinale. Non, il ne dira pas un mot. Tu monteras dans sa voiture. Il se frottera les mains comme pour se battre avec la température, seul, face à lui même. La voiture aura du mal à démarrer, il grimacera, toujours en silence. Puis, il allumera la radio, tu te sentiras toujours de trop.Il prendra des virages secs et rapides dans les petites rues du bourg.Son sac sera à tes pieds.
Il te déposera, un bisou en coin. Rue déserte, trottoir glissant.

C'est comme dans fight Club quand le type réalise qu'il était tout seul tout ce temps....il était tout seul tout ce temps.

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